Méduse abandonnée |
Eponge abandonnée |
Algue abandonnée |
Et le pêcheur continue son histoire
« Alors mon garçon …
Palétuvier abandonné |
Porcelaine abandonnée |
« J’ai attendu tu vois ? Je l’ai attendue ici, où
tes pieds massent le sable. Je me suis assis et j’ai attendu. Mes yeux sur l’horizon.
Je ne savais pas ce que je faisais. J’étais heureux. Je savais qu’elle était
là, dans ce monde. Je ne savais pas que j’attendais. Elle pouvait surgir à tout
moment. Je ne pouvais pas ne pas être là. J’ai tellement regardé la mer, j’ai
tellement regardé le fond de la baie pour y chercher le poisson. J’ai tellement
regardé, scruté sans impatience, sans ennui, sans dépit, sans colère. J’ai
tellement su toujours qu’il y a chaque jour dans le même fond de la plage du
renouveau toujours. De nouvelles traces, de nouvelles arrivées. Qu’il y a eu
des départs aussi, dans la nuit, avec la marée. J’ai tellement espéré tous les
matins, avec la même confiance en la mer, j’ai tellement découvert chaque matin
ce que je n’espérais pas, ce que je n’espérais plus. J’ai été tellement surpris
chaque fois, le sourire me venait toujours avant et après. J’étais assis et je
regardais l’horizon comme je regardais le fond de l’eau. Je souriais. Tu vois
elle est là. Elle est là-bas et elle vient. Attendre avec la mer pour respirer.
Attendre avec la lumière pour t’habiller. Attendre et regarder le jour et puis la
nuit, et puis le jour. Attendre les signes qui laisseront des traces. Savoir qu’elle
t’écrit et qu’au matin ce que tu trouveras dans le sable t’indiquera sa
position, sa halte pour dormir, la douceur de son refuge ou la lutte contre le
froid. Attendre qu’une trace te confirme que tu avais raison de lui envoyer de
la chaleur cette nuit, de lui envoyer de
la force pour guérir le mal qui lui tordait le ventre. Attendre et suivre le
pêcheur solitaire qui voit sans doute plus loin que toi. Tu vois, le clan
Pêcheur quand il part chercher la tortue, s’il ne trouve pas de trace sur le
sable le matin, il ne partira pas pêcher. Attendre et lire les mots d’amour qu’elle
a cachés dans l’ombre de la nuit. Je ne me posais jamais de questions. Personne
ne m’a jamais parlé comme elle me parlait. Je l’entendais, toujours, j’entendais
ses belles phrases, ses jolis mots. J’entendais tous ses pas résonner dans le
monde, tous ses gestes tordre l’air et brouiller l’horizon. J’entendais sa
chanson, sa voix, sa musique. J’étais heureux. Je l’entendais, je la voyais,
elle arrivait. Combien d’années ? De quoi, de mois ? D’années ?
De quoi, je ne sais pas. Elle avait dit un jour « c’est une promesse »,
alors j’étais heureux, que cette femme que j’attendais m’aie fait cette
promesse. Oui mais c’est quoi le bonheur ? Je n’en savais rien non plus. J’étais
heureux mais je ne savais pas que je l’étais. Parce que quand elle est arrivée …
mes yeux se sont mis à couler. Et là j’ai compris que je n’avais encore rien
vécu. Que tout allait commencer. »
Pêcheur solitaire |
Quelques jours et soudain le dernier.
A toi à qui je parle, à toi à qui jécris,
A demain