mercredi 21 août 2013

NEKOTCHEU - LE GARDIEN DU CLAN

Il y a trois jours Maurice m'a dit: "tu viendrais pas un peu des Incas toi?" Et il m'a dit "allez on va reprendre la discussion avec Nekotcheu"; "Tu viens Nekotcheu?"
"Tu m'appelles Nekotcheu? Qu'est-ce que c'est Nekotcheu?"
"C'est le lézard qui protège le clan, c'est l'ange gardien du clan!"

Et la discussion reprend.

Oui, pour Maurice qu'est-ce que ça représente ce que je fais? Je me questionne en l'écoutant. Je vais devenir le gardien de son histoire.

Sensation d'une immense responsabilité qui m'incombe soudain.





Imprévu?

En tous cas, ça va bien avec l'idée que je me fais de l'aventure qui commence.
 La tortue.

Vaa Maa le nom du clan,
Vaa une façon de dire Homme
Maa une étendue d'algues dans la mer, nourriture pour les tortues et les Mékouas.
Vaa Maa le clan des pêcheurs de tortue pour les fêtes coutumières.
Vaa Maa clan de la mer et clan de la terre.



 J'ai fait un rêve.

J'étais assis sur la plage, sur le petit tronc couché sous le cocotier au bout du sentier de Nataïwatch.

Devant moi Kanumera s'étendait comme une sage peau dorée. Peau de lézard, peau de tortue. Le soleil se levait et la tortue s'est réveillée. Elle me regardait comme il y a quelques années mon amie la mouette. Elle m'interrogeait de ses yeux aiguisés.
" - Depuis quand es-tu là? Je te vois chaque matin, chaque nouvelle lune, chaque nouvelle ponte, chaque nouvelle chasse. Depuis quand es-tu là?
 - Je ne sais plus. J'ai oublié. J'attends. Je regarde. En regardant, j'écris dans ma tête des histoires qui se dispersent dans l'espace et dont il ne reste rien. Dis-moi pourquoi ces histoires doivent disparaître?
  - Elles voyagent c'est tout. Les buses les sèment dans le ciel de l'île et moi je les emporte dans les prairies de l'océan."


Elle me regarde et je vois ses yeux se remplir de larmes. Je me retrouve soudain collé au hublot du Betico, le ferry qui relie l'île des Pins à la Grande terre. Quand la tortue pleure, les vagues heurtent le bateau et l'île disparaît dans le trouble de l'eau qui coule.

" - Je pleure mais je ne suis pas triste. Je pleure parce que tu me rends heureuse."
Je l'ai serrée dans mes bras, très, très, fort et la chanson s'est mise à jouer.



Dans ta voix que j'ai trouvée comme une surprise ce matin, j'ai entendu l'inflexion qui hante mes jours et mes nuits. Merci pour ce cadeau de ma magicienne. Ma tortue va chanter mille fois, tous les jours. Je me repasserai la chanson, je l'userai jusqu'au silence et quand le murmure sera si bas que plus aucun son ne sortira, j'entrerai dans les phrases, dans les mots, dans les sons, et je nagerai jusqu'à toi.



Et le rêve se réalise.


A toi à qui je parle, à toi à qui j'écris,

A demain