vendredi 27 décembre 2013

OCEAN - SECRET DU COEUR








LE CONTE DES SECRETS : UN HOMME OU UNE FEMME?

Toute cette eau. Sur cette terre. Toute cette eau. D’où vient-elle ? D’où est-elle venue au cœur de l’histoire de notre planète ? Toute cette eau ?
Il regarde l’océan et la fuite liquide de ses yeux glisse à la surface vers les moutons blancs de l’horizon. Il ferme amoureusement ses paupières comme elle le fait souvent quand ces mêmes paralysies la saisissent comme elles le saisissent aussi. Et le voilà qui surfe au-dessus de la houle agitée qui passe du bleu métallique au gris profond, du noir violet menaçant à la transparence vertigineuse des lagons. Il vole. Il s’élève et prend de l’altitude à chaque respiration. Toute cette eau sous lui retrace l’océan. Tout autour de l’océan la douce peau de la jeune belle femme dessine les continents. Il y a à l’intérieur de l’âme, le cœur des femmes, un océan profond qui contient leurs secrets. Les secrets des femmes. Le secret de sa jeune belle femme qui porte ses 65 millions d’année comme une minijupe. Et la force de la femme c'est bien d'être la gardienne de ses secrets.

Regarde bien ma poulette, elle m'a tendu les bras et elle m'a montré ses mains, les paumes de ses mains, elle a continué.

Dans le secret il y a deux sacs. Celui qui est dans ta main, et l’autre. Celui-là, l’autre, peut se tenir au bord d’un trou où tu voudrais l’ensevelir, le cacher, le faire disparaître. Il pourrait tout aussi bien voyager dans un train, un avion, une automobile. Il pourrait être tout simplement posé sur un fauteuil, dans un salon, à la vue de tous ou photographié, tout en couleurs, à la première page d’un journal de la région. Il pourrait dévaler le tombant d’un précipice qui semble n’avoir pas de fond. Il pourrait sembler de plomb dans le trou d’un puits plein d’eau, comme noyé, mais tout aussi visible que s’il flottait. 
Mais le mien est dans une autre main. Oui je le partage comme un bijou précieux. Je le partage comme le fruit unique d'une plante inconnue, une lumière qui nous éclaire ensemble, un feu qui nous rapproche sans cesse, un arbre qui fait naitre d'autres branches, d'autres feuilles, d'autres fleurs. Oui je le partage comme l'air que je respire, comme le jour suivant la nuit, comme l'attente à tout instant. Je le partage avec ce garçon qui est là devant moi, que je suis seule à voir, et que tu ne vois pas. Notre secret. Et je l'attends."

Sa force, son équilibre, son sourire, sa racine, son épaule, sa beauté, sa beauté, qu'est-ce que c'est la beauté? C'est tout ça: son secret, qu'elle protège tout au fond de son jardin à elle et que personne ne saura jamais.

La voilà maintenant qui repousse sa natte et se lève pieds nus. Elle bouscule quelques outils de cuisine pour faire fondre un café parfumé. Ses lèvres caressent la tasse et elle est avec lui. Elle chante en promenant ses mains dans la maison bruyante où la tribu s'agite. Ses mains caressent ses mains à lui et elle seule le sait, le fait, le voit le sent. Elle parle, rit, crie même quelquefois, mais elle parle avec lui sans cesse. Elle seule le sait. Un jour, quand elle partira vers les espaces fulgurants des étoiles, elle sait qu'il sera là, souriant, la main tendue. Elle sait qu'il lui a appris le temps, le non renoncement, la sérénité, l'absence, la beauté, la force, le fond de l'amour, Kanumera, le sable, la mer et l'océan, la vie. Il sait qu'elle l'a fait renaître du fond des vagues sombres. Elle lui a tout appris de lui-même et il n'en savait rien de la beauté, de la force, du non renoncement, de la vie. Elle lui a tout appris. Les voilà tous les deux jacassant comme des gamins en se tenant par la main. Ils flirtent avec l'espace et le temps, sans peur, sans arrière pensée. Seuls tous les deux. Seuls.

En lui, enfouie comme cet océan il y a la femme qu'il est quelquefois. Il sort souvent ce briquet rouillé, il écoute souvent ces chansons éternelles. S'il était une femme, il serait elle, avec son rire, sa pêche, sa beauté, son appétit, ses désirs, ses fontaines et ses chevaux sur lesquels elle voyage.


A demain.