vendredi 28 février 2014

SAISISSABLE, LE TEMPS, AU THEATRE?

Et si c'était l'espace? Tu vois mon île, ma merveilleuse, les centimètres qui nous séparent ont disparu. Depuis combien de mètres et de kilomètres sommes-nous donc maintenant reliés tous les deux sans que la rondeur terrible de la planète ne déchire ce lien? Plus rien ne peut nous délier. Plus rien ne le pourra jamais. Nous sommes entrés ensemble dans l'avenir. Oui, aujourd'hui est l'avenir, mais hier était déjà aussi l'avenir, et avant-hier, et avant-avant-hier. Je te vois comme une partie de moi, arriver, repartir, revenir, aller-venir, à des milliers de kilomètres de distance, et quand je tends la main un sourire me vient, un rire, une chaleur. Mais oui, bien sûr, tout cet amour ne peut être fait que d'absence et de séparation réelle. Mais le théâtre nous réunit. Quelques feuilles de papier, quelques mots, un léger voile, le mot théâtre, et nous voici partis ensemble avec nos costumes de voyage, ceux qui nous sont propres à tous les deux.


L'espace contient-il la mort? Certainement que sur le chemin que nous avons pris chacun, à un détour, un virage, elle sera là. Il y a dans Pacamambo ces larges plages de Julie qui décide de l'affronter. Elle s'explique quelquefois longuement, mais quand elle le fait, elle exprime surtout la non-résignation, le non-renoncement. Cette bataille certaine qu'un esprit tout neuf va mener et veut mener contre la fatalité. Contre la Mort. Perdue d'avance la bataille? Non, quand elle est sincère, elle renouvelle l'espoir. Insoumise Julie. Belle Julie. Que tu es belle incarnée dans nos trois comédiennes. Ces trois voix qui s'harmonisent parfaitement et que j'avais entendues dans mon rêve. Les femmes. J'aime les femmes et j'écris et met en scène des spectacles qui la chantent et la peignent et la louent et la dessinent. Depuis toujours mes spectacles racontent la femme. Si je mettais à la suite les uns des autres les titres de tous les spectacles que j'ai montés, il y aurait à voir une guirlande de noms de femmes, des noms gravés sur une plage devant la vague qui ne pourra jamais les effacer. Des noms connus, des noms cachés, mais des noms qui ont chanté la liberté, l'intelligence, la lumière des femmes, leur profondeur, leur douceur, leur immensité, leur certitude du cosmos, leur âme étoilée. Je te cherchais mon île. Et tu es là aujourd'hui, toi qui les contiens toutes, et toi que je serre dans mes bras et que je ne croyais plus rencontrer un jour, tu es là, ma voix de femme, mon beau visage, mon air, mon mouvement, ma transparence, mon aile, que je voyais et ne croyais plus pouvoir atteindre, et te voici...



Insoumise Julie dans Pacamambo, insoumise jeune et belle jeune femme, aperçue au détour d'un virage et qui ne dit pas bonjour, dans "Le Clan Pêcheur"... C'est l'espace des insoumises qui ouvre la saison de la création. C'est cette idée que j'aime. C'est celle que je voulais vivre. C'est aussi celle que je voulais offrir. Les âmes qui la reçoivent la reconnaitront-elles? Mon île, mon insoumise, ma merveilleuse, ma magnifique, mon parfum entêtant, ma petite bouche avide, de sucre, de sel et de tant et tant de goûts, de fruits et de poissons...

Que tu es belle mon île, mais comment tu fais pour être aussi belle...