vendredi 28 février 2014

SAISISSABLE, LE TEMPS, AU THEATRE?

Et si c'était l'espace? Tu vois mon île, ma merveilleuse, les centimètres qui nous séparent ont disparu. Depuis combien de mètres et de kilomètres sommes-nous donc maintenant reliés tous les deux sans que la rondeur terrible de la planète ne déchire ce lien? Plus rien ne peut nous délier. Plus rien ne le pourra jamais. Nous sommes entrés ensemble dans l'avenir. Oui, aujourd'hui est l'avenir, mais hier était déjà aussi l'avenir, et avant-hier, et avant-avant-hier. Je te vois comme une partie de moi, arriver, repartir, revenir, aller-venir, à des milliers de kilomètres de distance, et quand je tends la main un sourire me vient, un rire, une chaleur. Mais oui, bien sûr, tout cet amour ne peut être fait que d'absence et de séparation réelle. Mais le théâtre nous réunit. Quelques feuilles de papier, quelques mots, un léger voile, le mot théâtre, et nous voici partis ensemble avec nos costumes de voyage, ceux qui nous sont propres à tous les deux.


L'espace contient-il la mort? Certainement que sur le chemin que nous avons pris chacun, à un détour, un virage, elle sera là. Il y a dans Pacamambo ces larges plages de Julie qui décide de l'affronter. Elle s'explique quelquefois longuement, mais quand elle le fait, elle exprime surtout la non-résignation, le non-renoncement. Cette bataille certaine qu'un esprit tout neuf va mener et veut mener contre la fatalité. Contre la Mort. Perdue d'avance la bataille? Non, quand elle est sincère, elle renouvelle l'espoir. Insoumise Julie. Belle Julie. Que tu es belle incarnée dans nos trois comédiennes. Ces trois voix qui s'harmonisent parfaitement et que j'avais entendues dans mon rêve. Les femmes. J'aime les femmes et j'écris et met en scène des spectacles qui la chantent et la peignent et la louent et la dessinent. Depuis toujours mes spectacles racontent la femme. Si je mettais à la suite les uns des autres les titres de tous les spectacles que j'ai montés, il y aurait à voir une guirlande de noms de femmes, des noms gravés sur une plage devant la vague qui ne pourra jamais les effacer. Des noms connus, des noms cachés, mais des noms qui ont chanté la liberté, l'intelligence, la lumière des femmes, leur profondeur, leur douceur, leur immensité, leur certitude du cosmos, leur âme étoilée. Je te cherchais mon île. Et tu es là aujourd'hui, toi qui les contiens toutes, et toi que je serre dans mes bras et que je ne croyais plus rencontrer un jour, tu es là, ma voix de femme, mon beau visage, mon air, mon mouvement, ma transparence, mon aile, que je voyais et ne croyais plus pouvoir atteindre, et te voici...



Insoumise Julie dans Pacamambo, insoumise jeune et belle jeune femme, aperçue au détour d'un virage et qui ne dit pas bonjour, dans "Le Clan Pêcheur"... C'est l'espace des insoumises qui ouvre la saison de la création. C'est cette idée que j'aime. C'est celle que je voulais vivre. C'est aussi celle que je voulais offrir. Les âmes qui la reçoivent la reconnaitront-elles? Mon île, mon insoumise, ma merveilleuse, ma magnifique, mon parfum entêtant, ma petite bouche avide, de sucre, de sel et de tant et tant de goûts, de fruits et de poissons...

Que tu es belle mon île, mais comment tu fais pour être aussi belle...

jeudi 27 février 2014

LUMIERE SUR UNE SCENE


QUE VOIT-ON QUAND LES MOTS DISENT L'INVISIBLE?



Le vent se lève. Les oiseaux font-ils du vent quand leurs ailes s'agitent? Que devient le petit papillon quand l'air, tout autour de lui, suit les grands courants des chutes qui cascadent sur les falaises de trois cents huit cents mètres. Mon petit papillon nage sous l'eau, comme une tortue avide d'algues nourricières. Il suit l'iguane marin jusqu'à sa prairie où il peut s'accrocher aux pierres rondes pour brouter. Une fleur. Sous cette eau, une fleur. Le petit papillon se pose. Encore tout étonné de pouvoir respirer dans l'océan, il respire le pollen de cette orchidée rouge et sanguine. Est-ce moi qui fais de l'eau de l'air ou bien l'air est-il devenu liquide? Ses ailes bougent comme deux poissons jumeaux qui nagent. Des amoureux. Des inséparables. Comme nous ma Merveilleuse, mon île, nous sommes les ailes d'un papillon invisible qui survole le monde pour le saupoudrer de plaisir et de bonheur. Regarde.


PACAMAMBO?
Toujours attaché à la musique des phrases naturelles qui jalonnent l'histoire, il nous faut toujours choisir entre le réel et la fiction qui guidait la main de l'auteur. Chanter reste notre seul moyen d'empêcher les questions d'occulter l'imaginaire du spectateur. Pacamambo, de nouveau, se frotte à ce pari. Est-ce que le théâtre parle ou raconte? Est-ce que le théâtre représente ou vit? Les mots du poète disent l'invisible, mais que voit le spectateur alors?



La belle image dans la lumière qui perce les jalousies des persiennes de bois. Ces traits lumineux et puissants qui redessinent l'espace et les vivants avec leurs corps posés, allongés, qui respirent comme des fleurs sauvages reposant sur la rive d'un océan du bout du monde. Des terres inconnues, des rues désertes, des doigts croisés les uns sur les autres, des phrases qui se suivent et deviennent chanson.

A demain






mercredi 26 février 2014

ENTRER DANS LA LUNE, PLUS QUE TOUT, MA LUNE...




Mon île, impossible de ne pas ouvrir les yeux sur toi. Regarde. Le jour se lève, 26 février, et déjà la machine-théâtre est en marche. Impossible de ne pas imaginer, sentir, voir, tes propres yeux, toi si loin de moi, toi les pieds sur ton monde, toi, qui t'éveille et dont je ne peux caresser la paupière alors que le jour qui se lève abonde de soleil, et déjà, oui la machine-théâtre est en marche. Me voilà sur les feuilles de ma cour, sous les arbres de mon jardin, et toi sur mon épaule, comme j'en ai tant rêvé. Nous entrons en répétition comme on entre au couvent, volontaires et tremblants, dociles et joyeux, désarmés, les ceintures au vestiaire, nous entrons dans le monde de Pacamambo. Déjà nous ne sommes plus dans le monde de l'auteur. Mais dans celui des acteurs.Que sommes-nous venus faire ici aujourd'hui? 


. Oui Kanumera doit être la première image. C'est elle qui me guide mon île vers toi sans cesse. Tout ceci n'est ni un jeu, ni de la poésie, ni de la littérature. Que ceux qui lisent ces cheminements intimes ne se trompent pas. Tout est relié à ce point dans le ciel qui est caché par la lune. Et la lune est présente dans Pacamambo. Aujourd'hui elle est là parce que c'est elle qui cache ma galaxie. Elle vient quand elle monte et elle vient quand elle descend. Il existe une histoire de la lune. La mienne est plus simple et plus courte. Elle a pris racine dans mon ventre et se joue de moi à mes dépens. Elle m'embarque et me secoue comme un petit bouchon sur une mer démontée. Un bateau ivre "Rimbaud". Un rien, fétu de paille ou goutte d'eau perdue dans les milliards de milliards de molécules de l'océan. Un rien, qu'elle me rappelle à chaque seconde. Alors, oui, bien entendu ma lune, je ne suis rien et je vais ouvrir les yeux sur ce qui m'attend. Et ce qui m'attend ne vient pas de nulle part. C'est moi qui le convoque. Et là, voici les acteurs, je vais leur parler.

Mes racines seraient donc enfouies dans le sable de corail? Les milliards de confettis qui composent mon cerveau se seraient reconnus et recollés sur toi mon île? Oui. 

Je ferme la porte de la maison de Villerouge, la maison du bonheur, un peu de l'eau de l'océan pacifique passe sous la porte pour écouter ce que je ne vais pas écrire. Je vais parler aux acteurs. Ce que nous faisons de nous chaque jour ne doit jamais être comme un autre jour. Hier était hier, demain est demain. Aujourd'hui, chut... Le secret du théâtre restera ... Sinon, que resterait-il du monde de l'humain, de la conscience, si tout était révélé en un seul bloc? Une explosion, oui, il ne resterait que des cendres. 

Viens, mon île, toi tu peux entrer dans la maison du bonheur, tu es déjà venue jusqu'ici bien souvent, très souvent, peut-être habites-tu ici? Oui? Oh oui, oui...

A demain.

mardi 25 février 2014

lundi 24 février 2014

LA TORTUE DE PACAMAMBO

Mon île, je retrouve ta trace au fil de tous les spectacles. La trace de ton sommeil dans "Train de Nuit pour Bolina" que je retrouverai encore dans Pacamambo. Ta trace des nattes tressées que je retrouverai dans Pacamambo. Pacamambo. Ce pays où je vais, où nous allons bientôt nous immerger comme dans une énorme vague qui nous recouvrira pour ouvrir le tiroir des secrets de cette création. L'impatience grésille dans mes oreilles. L'impatience sourit devant mes yeux.

"Quand le gamin est arrivé dans le village flottant des gitans de la mer, les portes sont restées closes. Quelque chose n'allait pas avec la lettre que Capitaine Sauvage lui avait donnée. Tout était si petit, si étroit qu'il fut vite de trop sur ce pont flottant. Aucune fenêtre ne s'ouvrait. Et pourtant elle est là. Tous ces battants fermés le prouvent bien. Elle est là. Prisonnière? Si c'est ça ma rage sera énorme. Il voyait les bandes de tissu chinois s'accumuler les unes sur les autres, dans le fond d'une pièce qui semblait être l'atelier. Des dizaines de "petites mains" s'agitaient toutes ensembles. Il força la porte et fut accueilli par des cris de terreur et un désordre soudain qui le paralysa."



 Oui les emblèmes voyagent d'un spectacle à l'autre. Il est juste que les tortues, les palmes de cocotiers et les panneaux tressés se retrouvent dans Pacamambo. Ils seront là aussi dans Le Clan Pêcheur. J'aime laisser trainer dans un coin de la scène le symbole marquant d'une autre création. Les tableaux se frottent les uns aux autres et les étincelles jaillissent. Un feu nouveau bientôt nous habitera..



Mon île, ma Merveilleuse, ma Guitare, ma chanson, ma précoce, mon printemps, ma prémisse, ma brise légère dans l'odeur de la mer, ma plage, ma coutume, ma tribu, mon clan, mon chez moi, ma bouche, mon oxygène, mon air, mon poème. Jamais l'amour ne m'avait semblé exister, là, avec moi dans mon sang, avec une telle évidence, une telle force, une telle explosion que mon esprit soudain s'est décomposé, a éclaté en mille morceaux de papier avec une telle précision dans ma mémoire que la mort m'est apparue si proche et si douce, comme une renaissance.

dimanche 23 février 2014

CARTE POSTALE DE NIMES

Mon île, je t'ai emportée, je t'ai enveloppée dans mon voyage et je t'ai emmenée, ma merveilleuse, ma magnifique, toi ma lettre que j'écris tous les jours, toi mon encre de l'histoire, toi ma salive, le sens de mes parfums, ma renaissance, ma terre, ma feuille verte, ma belle trace dans le sable, mon vent de la mer, mon bateau, mon port, toi que j'ai assise dans le sable mouillé, les pieds au bord des vagues, toi dont je rêve le jour et la nuit, toi qui vis en moi, j'ai envie de te raconter Nîmes et ce beau théâtre qui s'est passé là-bas. Mais peut-être l'as-tu déjà entendu dans ma tête? Peut-être l'as-tu déjà vu à travers mes yeux, mon bonheur? Comme tu me rends heureux...







Le Théâtre 32 a ouvert sa porte et le public est venu le retrouver. "Comme au bon temps du bon vieux temps", mais dans ce temps tout nouveau aussi, ce nouveau temps qui trace la ligne du renouveau de Conduite Intérieure, sa renaissance, oui dans ce nouveau temps, les vieilles amitiés se sont renouvelées et ont exprimé leur joie. Une série a toutes les qualités du vrai fondement de notre métier. Qu'est-ce que c'est notre métier sinon jouer. Jouer tous les soirs. Puis répéter, raccorder, puis jouer encore. Que c'est beau. Qu'il est beau ce métier qui décale totalement nos horloges biologiques, et nous secoue, nous enflamme et nous laisse dehors la nuit avec cette énergie qui court encore longtemps dans nos veines. Avec nos sentiments, nos satisfactions, nos regrets, nos colères quelquefois contre nous, mais puisqu'il y a demain! Demain! Et le lendemain, nous sommes là de nouveau, différents, remontés, ou pleins d'interrogations. On répète et nous voici de nouveau devant un autre public.

Après cette série riche et généreuse, j'ai de nouveau la certitude que si nous pouvions jouer encore pendant trois mois, le public viendrait toujours. "Ma Famille" est de ces spectacles qui invitent à ne jamais lasser, à ne jamais rencontrer de rejet, de refus. C'est alors que je reprends conscience de tout ce que nous pourrions lancer et relancer sur la ville. Tout ce travail qui est à faire.


Avant de repartir, il y avait le "blues" et l'envie instinctive d'aller ailleurs. Comme les gens du voyage, que sommes-nous sinon des nomades souriants, les muscles dehors pour tracer la nouvelle route.

Ma merveilleuse, des chansons jouent maintenant dans nos mémoires, des miroirs nous renvoient maintenant nos mots d'amour et nous avons voyagé tout autour du monde dans un hangar bruyant où des animaux africains font du cinéma. Notre livre s'enrichit de quelques pages. Qui l'écrira? Toi? Oui toi. Moi je n'écris que ce que je rêve, et c'est pour toi que j'écris. 

A demain.

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dimanche 9 février 2014

"AUJOURD'HUI - 9 FEVRIER - IL M'EST ARRIVE UNE AVENTURE EXTR......"

" .... une aventure extraordinaire. Je me suis levé comme tous les jours ...."

Nicolas Gogol commence ainsi "Le Journal d'un Fou". Fou, fou, qu'est-ce qui te distingue d'un autre, qu'est-ce qui sépare le monde en deux. "J'ai appelé Maïa comme d'habitude..." Et voilà que rien ne se déroule comme d'habitude. Et d'ailleurs d'où vient ce mot "habitude" et qu'est-ce qu'il désigne au juste. Oui au juste est bien la bonne expression. Où est le juste dans le flot de la récurrence? Le juste du papillon. Le retour du papillon. Retrouver mon petit papillon.


 Oui aujourd'hui n'est pas comme les autres jours . Oui, aujourd'hui l'impossible a un sens et devient Acte. Aujourd'hui ce qui était en haut est en bas, ce qui était devant est derrière, l'endroit, l'envers, et tout ce qu'on n'osait rêver est bien vivant, et tout ce qu'on n'osait imaginer arrive.



 On peut mettre des années à tenter d'imaginer comment construire.




Et soudain en quelques secondes c'est là, devant.






On peut mettre des années à se construire soi. A se réaliser soi-même.





Et soudain en quelques battements de paupières on est là. Devant soi.



On peut mettre une éternité à répondre aux questions qu'on se pose le jour, la nuit, partout, et soudain, plus rien, plus de questions, que des évidences.




On peut rêver, on rêve, il faut rêver parce qu'un jour ou l'autre, soudain on comprend pourquoi on rêve.





On comprend qu'on voulait à tous prix aller dans ce sens, où tout n'était que force, souffrance et remords, alors qu'ici tout est souple et fluide, doux, beige et parfumé.





Oui c'est tout ça la folie. Le journal d'un fou. Qu'est-ce que c'est quand il raconte ce qui lui arrive? Que personne ne croit. Que chacun lui jalouse. Que tous veulent sa mort parce que son rêve est là. Parce qu'il comprend pourquoi il rêvait de ...

"Découper le monde à coups de rasoirs
Et voir au coeur du fruit le noyau noir,
La vie n'est pas la vie ce qu'on nous fait croire
La vie n'est pas la vie"


Chanter; Chanter le rêve, chanter les rêves, vivre les rêves, aller chercher les pierres pour élever, poser, bâtir, construire, imposer sa présence, lutter contre le vent qui te balaie, la pluie qui te fait fondre, Résister, et bâtir, résister et bâtir. C'est ce que fait ce beau chantier, c'est ce que font ces beaux visages. Ils résistent. Et ils séduisent.

Mon île, ma merveilleuse. Ma folie. Ma vie ma mort ma guitare est cassée, ma voiture est cassée, comme mes personnages je n'ai rien, je ne possède rien, je n'ai presque plus rien, je l'aime ma guitare, elle me manque à chaque instant, chaque respiration, je l'aime ma voiture, elle m'a fait découvrir le monde, est-ce que je vais bientôt m'envoler?



jeudi 6 février 2014

THEATRE DE L'EAU

Mon île Mon île Mon île Mon île 
il y aura des soies des cotons des étages en forêt en canopée en troncs lisses en feuilles géantes en dessins d'encre bleue en portraits quelques traits villes endormies en étoiles filantes en marches éternelles pendant que les autres dorment en minuscules secondes en millimètres en millièmes de millimètres en rien en villes inconnues en Italie en Sud en Nord  en Naples en Florence en Sicile en Corse en île Mon île Mon île Mon île Mon île... en Merveilleuse en Magnifique en Musique en Air froissé en Bouches veloutées en Parfums d'orchidées en Tout en Tout en Tout pendant que les autres dorment. J'ai croisé une étoile filante cette nuit, elle m'a fait un signe que je reconnais bien, je me suis dit, elle est là, elle est bien là, elle rit, elle est bien là...


 SCENE...

 LUI: Je me suis dit ça la première fois. Quand j'ai osé, la première fois, m'approcher. Oh pas beaucoup. A peine quelques mètres. Elle avait les paupières baissées.
Quelques secondes volées pour pouvoir lui parler. Quelques secondes précieuses, longues et furtives, éternelles et microscopiques, pour pouvoir lui parler, avec mes mots, avec mes yeux, avec mon énergie, avec mes vibrations, mes forces intérieures, mes entrailles, mes deux cerveaux, mes deux mains, mes signes, mes lumières, mes essoufflements, mes chuchotements, mes larmes et mon rire :
"Ton corps et tes pensées ne peuvent être changés. Ton corps t’appartient et tes pensées t’appartiennent. Tu es irremplaçable. C’est dans l’élan de cette certitude que tu prends conscience de ta liberté. De ce qu’est la liberté, la tienne. Elle aussi est irremplaçable. Tes pensées et leurs désirs, ton corps et ses désirs, c’est ce qui te rend libre. En ça ta vie sera toujours celle que tu choisiras en vertu de tes pensées et de ton corps. C’est là dans cette liberté à l’état pur que tu ressens la Grande Solitude des êtres irremplaçables et libres, et que tu comprends que tu es seule au monde. Et que je suis comme toi. Et que tu es comme moi."






Du fond de la tribu et de la sagesse des aînés, elle compte les vivants. Puis elle compte les morts. Effrayée par la différence de ces deux nombres, elle regarde autour d’elle pour recompter ses vivants à elle. Elle regarde ensuite la terre sur laquelle ses pieds nus palpitent et recompte ses morts. Ils sont tellement plus nombreux. Alors les yeux ouverts dans le ciel qui la domine, elle voit passer la dimension de ce qu’elle vit sur l’instant, et de ce qu’elle vivra bientôt, demain, et encore demain. Elle sent sa pensée accélérer la visite de ce temps devant elle, et soudain la perception infime d’une fin trace un trait dans les étoiles, une limite qui lui suggère la sensation de la durée, le poids de ce qu’elle peut vivre, et le reflet de ce qu’elle peut ne pas choisir, et peut-être rater. Deux limites et deux voies, deux portes et deux directions, deux, puis trois, puis quatre, puis une infinité de destins qui se découpent, et se recoupent, et se croisent et s’éloignent, et divergent et se perdent, et s’opposent et se retrouvent, et se perdent à nouveau.

Elle compte une nouvelle fois les membres de la tribu, puis les membres du clan, les pères et les mères, les cousins, les sœurs, les frères, et son visage se penche vers les esprits des morts qui reposent dans la terre. Elle tape de ses pieds, suit le rythme du « pilou », et tape encore et encore, jusqu’à ce que la transe l’envahisse et qu’elle entende les voix. "Oui, dansons, dansons, dansons tous les deux, dansons, dansons, avant qu’il ne soit trop tard, parlons, parlons, parlons avant qu’il ne soit trop tard, murmurons, murmurons, murmurons les choses impossibles, l’histoire des vies passées et l’histoire des vies à venir. Demain, demain, demain, demain… dansons jusqu’à ce que le bâton tombe, dansons jusqu’à ce que le bâton brûle ma main, dansons jusqu’à ce que les corps épuisés tombent, soufflent et s’endorment… dansons…"





Le chef s'est approché. Ce qui les a séparés. Il n'a pas vraiment fait ce geste pour couper le dialogue. Il n'a pas vraiment dit qu'il avait compris ce qui se passait. Il n'a rien dit, rien fait, comme si ça n'existait pas, comme si c'était maintenant à eux d'effacer tout ça, et de faire que ça n'existe pas, que ça n'ait jamais existé.

......... à suivre.

L'eau. Que c'est beau l'eau. Qu'est-ce qu'il peut y avoir de plus beau que l'eau. L'eau qui emplit mes rêves chaque nuit, dans les millimètres de sommeil que ma liberté m'insuffle. L'eau qui emplit tes rêves aussi. D'où vient toute cette eau. Mais qu'elle est belle. Que c'est beau l'eau. L'eau. Mon île et mon eau.


A toi à qui je parle à toi à qui j'écris


A demain






ROUTE DU JOUR ROUTE DE NUIT




Les jours s’allongent
Les jours ouvrent une bouche qui commence à murmurer
Quand les lèvres se séparent la pluie tombe
Oh mon amour cette pluie
Le vent léger se lève et ton souffle sourd, lent et parfumé
Les portières claquent dans cette eau glacée
Les vitres enfermées s’ouvrent, se ferment, s’ouvrent, se ferment
Rire
L’air agité chante
Une main douce s’avance
Rêve
Longue journée s’étire
Pas un seul jambon-beurre à l’horizon
Manger
Ce soir
Tout avance dans le labeur effréné
Le corps entend, rend ses désirs plus fluides
Les enfants jouent sur le plateau du 32
Devant
Mon île
Ma merveilleuse
Ma magnifique
Ma musique
Sur mon épaule
Sa chanson m’éclaire
Enfin la route
La nuit
Pendant que les autres dorment
Marcher
Rouler
Pendant que les autres dorment
Voler la vie
La parole
Voler le temps
Toujours
Pendant que les autres dorment
Entrer dans le rêve
Découper le sens de la vie
Etre
Jusqu’à l’implosion
La galaxie
Pouvoir enfin coucher sur le papier les yeux fatigués les membres impatients
Oublier
Les vibrations sonores
Chanter
Chanter le noyau précieux que les bras pleurent en se serrant
Le diamant brûlant que les draps glacés, avides et gourmands, boivent,
Aimer ce jour
Aimer demain
Bonjour ce jour
Bonjour demain
Bonjour toujours pendant que les autres dorment
Marcher encore
Tomber enfin
Joue grêlée
Joue plate mais chaude
Ce jour encore un jour jusqu’à ce que ce jour s’étire et ne finisse plus
Que demain
Bonjour demain
Espoir du jour

mercredi 5 février 2014

A TRAVERS LES YEUX DU CHEF DE CLAN




Où suis-je? Dans quel fleuve du temps suis-je tombé. Je regarde l'horizon et je sens mon île disparaitre sous mes pieds. Où t'en vas-tu belle île? La nuit a fait naitre une lune projecteur qui a vu entrer dans la baie la goélette des colons blancs. Ma merveilleuse, ma magnifique, te voilà partie bien loin de moi. La peur? Tu ne risques rien. Le début de la chanson tourne sans cesse devant mes yeux. Ne m'abandonne pas. Please. Mes pieds prennent l'eau. Le sable s'effondre sous moi quand tu n'es pas là. Je perds l'équilibre et forcément je tombe dans le gouffre. Le vide. Splash!!!! Dans l'eau. Me voilà dans la mer. Éparpillé dans les milliards de molécules de l'écume qui bout, je sens ton parfum d'orchidée, puis je sens le goût du cuivre des pétales gonflés, et je sens les doigts de la mer prendre ma main, mon corps se décompose, tout au bout de moi, il s'échappe en vibrations de l'esprit. Je m'envole. Dans ma main gauche, un tissu jaune faseille entre mes jambes, et claque comme un drapeau, dans ma course d'oiseau marin.





Vivre avec les kuniés me fait voir le monde à travers leurs yeux. Quand je raconterai l’histoire du Clan Pêcheur, je la raconterai à travers les yeux de Maurice le Chef de Clan. Il ne verra que des blancs dans son histoire. Mais le spectateur verra les bateaux français arriver. Les bateaux anglais arriver. Les français prendre possession de l’île. Les anglais rager de voir les français propriétaires de cette île qu’ils convoitaient. Il a vu arriver un objet inconnu, jamais vu à ce jour pour lui. Un objet magnifique c'est vrai qui l'a étonné, ravi, émerveillé.







 J'ai trouvé ces dessins sur les murs de l'école de Vao. Le bateau qu'il a vu arriver.

 La réponse qu'il lui a envoyée.

 


 Tu aurais répondu quoi, toi, au chasseur blanc qui crevait du sillon de sa barque, le corail blanc de ton île?

A demain