jeudi 13 août 2015

JOUR DE DEUIL A KUNIE

C'est la mémé de mes amis qui s'en est allée. Ils ont ri et se sont soulés au mariage du neveu, et depuis hier ils pleurent la mémé qu'ils viennent de ramener par le Betixo. Oui c'est jour de deuil sur l'île et tous les kuniés se rassemblent.



Je dis bonjour au jour qui vient
Je dis bonjour aux yeux qui s'ouvrent
Je dis bonjour à ma fontaine
Je dis bonjour aux fruits qui tombent des arbres, aux abricots
Je dis bonjour aux fleurs qui grimpent, aux orchidées
Je dis bonjour à ma chanson
Je dis bonjour au tissu jaune
Je dis bonjour au miel du matin
Je dis bonjour aux amoureux qui s'aiment
Je dis bonjour à tous ceux qui s'aiment


EXTRAIT

...


- Va-t-en ! Je ne suis pas ton ami !

Je le regarde longuement, comme le chien que je suis. Le temps de bien comprendre. Mes oreilles s’agitent et mes yeux se baissent. Je tourne lentement ma gueule derrière moi, et d’un mouvement déçu et plein de souffrance, je m’en vais me coucher à vingt mètres de là.


- Je ne suis pas ton ami, mais pourtant si, je ne veux qu’être ton ami. Mais pas maintenant, ton regard me dérange sur l’instant. Laisse-moi seul.
- Regarde! Il a dormi toute la nuit, sur la chaise, devant ta porte.
- Peut-être, je n’ai rien vu.
- Oui, regarde, sur la table aussi, tous ces poils.
- Oui ?
- Qu’est-ce qu’ils viennent faire ici ?
- Je les entends la nuit, ils se battent, ils doivent se blesser, certains poussent des cris.
- La nuit ? Ils te dérangent ?
- Non, je m’en fous.
- Ils te réveillent ?
- La nuit, le jour, je ne sais pas. Quand je dors, je me réveille. Ça me semble naturel non ?
- Ils t’empêchent de dormir ?
- Non, je m’en fous, je passe mon temps à me réveiller, me rendormir, sortir, fumer une cigarette, revenir, tomber de fatigue…
- Dis-le moi, s’ils t’empêchent de dormir.
- Je m’en fous.

Une femme à côté pousse des cris. Elle s’inquiète de son garçon qui court et qui s’en va. Elle est de forte corpulence et semble s’adapter à l’endroit pour y refaire ses gestes quotidiens, ses pas, ses mouvements. Pourquoi les hommes font-ils tant d’enfants ? Difficile à comprendre. Pour s’agiter autour d’eux, continuellement ?

Pourquoi tous ces enfants qui ne demandaient rien et qui posent tant de questions ? Où sont ceux qui vont leur répondre ? La plupart ne questionnent jamais leurs parents sur leurs véritables préoccupations.


- Viens le chien! Viens!
...
- Tu ne veux rien me dire? Tu ne protestes pas?
...
- Evidemment! Tu ne parles pas. Mais fais-moi un signe avec tes yeux, tes paupières, tes oreilles. Dis-moi que tu comprends.
 ...
- Oui, d'accord, moi ou un autre tu t'en balances! Tu as bien raison.
...
- Dis-moi que tu ne m'en veux pas si je te chasse.
...
- Oui, les remords d'un imbécile, je suis d'accord. Chacun sa place et puis c'est tout.
...
- Mais ces enfants qui doivent apprendre toutes ces choses qu'on va leur demander d'oublier, de transformer, d'adapter, de moderniser... Où est le bout de ce fil, de ce lien? Pourquoi personne ne veut vraiment tout reprendre paisiblement? Le temps? Pas le temps?

Je regarde le convoi funèbre passer avec toutes ces mains qui me font signe et tous ces yeux pleins de larmes. Le voilà, le temps, qui passe devant moi... parce qu'il est là, non? Tout simple et tout vrai pour qui choisit sa vie. Elle ne passe qu'une fois. Qu'est-ce que tu en as donc fait? Petit homme, qu'est-ce que tu en as donc fait?





- Hé, le chien! Tu peux venir dormir devant ma porte toute la nuit.

Si tu savais à qui je pense pendant que tu me parles. Pas une seule seconde sans elle. Entièrement prisonnier de ce manque, obsédé par son image, aveuglé par sa lumière, frissonnant dans ce pays où l'hiver est glacé, seul et encore seul au milieu de ma poudre blanche comme une cocaïne dans son sachet, hurlant la nuit comme un chien qui se bat contre tous... elle me manque, et j'en crève, comme elle vit dans mes jours et dans mes nuits....

- Qu'est-ce que tu me racontes le chien?

Non, rien. Bonne nuit, petit homme. Ce que j'en dis, moi, ce n'est rien, je ne suis que ce chien qui vient dormir devant ta porte. Je ne suis que ce chien, le corps brisé, qui hurle à la lune pour qu'on lui rende sa moitié. Rien, quoi, juste un chien...

...

A SUIVRE...



Tout ça n'est qu'une histoire dans le fond, rien d'autre que ce qui vient du fond du dessous de l'amour; kanumera...



A demain...